Lundi 10 septembre 2018
Nombreux sont ceux qui ont fait l’expérience d’une forme de passage initiatique au cours de leur vie. J’entends par là une crise remettant en question tout ce qu’ils pensaient savoir ou qui ils pensaient être. Un effondrement s’ensuit, mais émergeant des décombres, une nouvelle personnalité voit le jour.
Les sociétés peuvent elles aussi traverser un passage initiatique. C’est ce que le changement climatique représente pour la civilisation mondiale actuelle. Il ne s’agit pas d’un simple « problème » que nous pourrons résoudre en gardant la conception du monde qui prédomine actuellement, et sa panoplie de solutions. L’heure est venue de nous approprier un nouveau récit pour l’humanité et une nouvelle (bien qu’ancienne à la fois) relation à toutes les autres formes de vie.
Une des clés de cette transformation est l’abandon d’une conception géo-mécanique du monde en faveur d’une conception de Planète Vivante. Dans mon essai précédent, j’ai expliqué que la crise du climat ne pourra être résolue en ajustant les niveaux de gaz atmosphériques, comme on bricolerait le mélange air-carburant d’un moteur diesel. Au contraire, une planète vivante ne peut être saine – de fait, ne peut rester en vie – que si ses organes et ses tissus sont vivants. Ceux-ci englobent les forêts, le sol, les zones humides, les récifs coraliens, les poissons, les baleines, les éléphants, les prairies d’algues, les mangroves, et tous les autres cycles et espèces sur Terre. Si nous continuons à les détériorer, à les détruire, quand bien même réduirions-nous nos émissions à zéro du jour au lendemain, la Terre agoniserait toujours d’un million de blessures.
La raison en est que c’est la vie même qui préserve les conditions nécessaires à la vie, au travers de processus que nous connaissons mal, et dont la complexité est propre aux physiologies du vivant. Les végétaux émettent des molécules volatiles contribuant à la création des nuages qui reflètent la lumière du soleil. La mégafaune transporte l’azote et le phosphore à travers les continents et les océans, participant par là au cycle du carbone. Les forêts fonctionnent comme une « pompe biotique » de basse pression continue qui attire la pluie vers l’intérieur des continents et stabilise les oscillations des courants atmosphériques. Les baleines remontent des nutriments du fond des océans qui vont nourrir le plancton. Grâce aux loups qui régulent les populations de cerfs, les sous-bois ne sont pas ravagés et conservent leur capacité à absorber les pluies, protégeant ainsi la forêt de la sécheresse et du feu. En freinant l’écoulement de l’eau depuis les terres jusqu’à la mer, les castors ralentissent la progression des inondations et modèrent le déversement des limons dans les eaux côtières, permettant ainsi à la vie d’y foisonner. Les strates de mycélium relient d’immenses zones en un réseau neuronal dont la complexité surpasse le cerveau humain. Et chacun de ces processus interagit avec les autres.
Dans mon livre Un nouveau regard sur le climat, je fais valoir qu’une grande partie du dérèglement climatique, que nous imputons aux gaz à effet de serre, est en fait une conséquence directe des dégradations infligées aux écosystèmes depuis des milliers d’années : à chaque fois que les hommes ont coupé des forêts et exposé le sol à l’érosion, la sécheresse et la désertification ont suivi.
L’expression « dégradation d’un écosystème » nous paraît plus scientifique que « mutiler et tuer des êtres vivants ». Pourtant, si l’on se place du point de vue d’une planète vivante, cette dernière est plus exacte. Une forêt n’est pas simplement une collection d’arbres ; elle constitue un organisme vivant. Le sol n’est pas juste un support dans lequel poussent les plantes ; le sol est vivant. Il en va ainsi de la rivière, du récif coralien et de la mer. De même qu’il est plus aisé d’humilier, d’exploiter et de tuer une personne lorsqu’on considère cette victime comme un sous-homme, il est aussi plus aisé de tuer les créatures de la Terre lorsque nous les considérons déjà comme dépourvues de vie et de conscience. Les coupes rases, les mines à ciel ouvert, les marais asséchés et autres marées noires sont inévitables lorsqu’on voit la Terre comme une chose morte, insensible, un amoncellement de ressources à instrumentaliser.
Les paraboles ont un pouvoir. Si nous considérons que le monde est mort, nous le tuerons. Et si nous considérons que le monde est vivant, nous apprendrons à nous mettre au service de sa guérison.
La conception de Planète Vivante
En réalité, le monde est un organisme vivant, pas simplement un milieu qui accueille la vie. Les forêts, les récifs et les zones humides sont ses organes ; les eaux son sang, le sol sa peau, les animaux ses cellules. Même si cette analogie n’est pas rigoureuse, elle invite à une conclusion valide : si l’intégrité de ces êtres est compromise, c’est toute la planète qui dépérira.
Je ne vais pas bâtir une argumentation intellectuelle pour tenter de démontrer que la Terre est vivante car cela demanderait de s’accorder sur la définition du terme vivant. D’ailleurs, j’aimerais aller plus loin et avancer que la Terre est également douée de sens, de conscience et d’intelligence – ce qui scientifiquement est impossible à prouver. Donc au lieu d’essayer de débattre la question, je demanderai aux sceptiques de se mettre debout, pieds nus dans la terre, et de ressentir cette vérité. Quel que soit votre scepticisme, quelle que soit la ferveur avec laquelle vous soutenez que la vie n’est que le résultat d’un accident chimique fortuit, déclenché par des forces physiques aveugles, je suis convaincu qu’il y a dans chaque personne une petite étincelle d’intuition que la Terre, l’eau, le sol, l’air, le soleil, les nuages et le vent sont vivants et conscients et nous ressentent lorsque nous les ressentons.
Je connais bien les sceptiques car j’en fait moi-même partie. Un doute insidieux m’envahit dès que je passe trop de temps entre quatre murs, devant un écran, entouré d’objets standardisés inanimés, qui reflètent la conception moderniste d’un monde inerte.
De toute évidence on ne pourrait, lors d’une conférence académique sur le climat ou du GIEC, exhorter les participants à se connecter nu-pieds à la Terre vivante. Il peut arriver que de tels colloques accueillent un intermède de célébration un peu émotionnelle, ou paradent un représentant indigène pour invoquer les quatre directions avant que chacun ne pénètre dans la salle de conférence et ne se mette au travail – un travail sur des données et des graphiques, des modèles et des projections, des pertes et des profits. Ce qui est réel, dans ce monde-là, ce sont les chiffres. De tels environnements – où règnent les abstractions quantitatives et les salles climatisées, la lumière artificielle constante, les sièges identiques et les angles droits omniprésents – excluent toute vie autre que l’humain. La nature n’existe que sous forme de représentation et la Terre ne semble vivante qu’en théorie, et probablement même pas du tout.
Dans ces lieux, seuls les chiffres sont considérés comme étant réels. Quelle ironie, alors que les chiffres sont la quintessence de l’abstraction, de la réduction du multiple à l’unité. Les esprits formés par les chiffres cherchent à résoudre les problèmes aussi grâce aux chiffres. Mon côté matheux ne demanderait qu’à pouvoir résoudre la crise climatique en évaluant toutes les solutions imaginables en fonction de leur empreinte carbone nette. A chaque écosystème, à chaque technologie, à chaque projet énergétique, j’attribuerais une valeur d’effet de serre. Ensuite je prescrirais d’augmenter celui-ci et de diminuer celui-là, ordonnant de planter plus d’arbres pour neutraliser les voyages en avion, compensant la destruction de zones humides ici par l’installation de panneaux solaires là, le tout visant à respecter un certain quota de gaz à effet de serre. J’appliquerais les méthodes et les approches qui sont issues de la finance comptable ; l’argent étant une autre manière de réduire le multiple à l’unité.
Malheureusement, comme pour l’argent, la vision réductionniste appliquée au carbone fait abstraction de tout ce qui n’a pas d’impact sur le bilan carbone. Ainsi toutes les questions environnementales classiques telles que la sauvegarde des habitats, la protection des baleines ou le nettoyage des déchets toxiques se retrouvent éludées par les défenseurs du climat. « démarche écolo » est presque devenu synonyme de « réduction du carbone ».
Du point de vue de la Planète Vivante, il s’agit d’une erreur catastrophique, du fait que les baleines, les loups, les castors, les papillons etc font partie des organes qui maintiennent l’intégrité de Gaia. Quand nous compensons nos voyages en avion en plantant des arbres, que nous utilisons de l’électricité produite à partir de panneaux solaires et que nous nous targuons de choix « bons pour la planète », nous nous donnons par-là bonne conscience tout en occultant les dommages causés par notre mode de vie. Nous sous-entendons que « durable » égale pérennité de la société telle que nous la connaissons, grâce à l’adoption de sources d’énergie autres que fossiles.
Cela ne veut pas dire qu’il faille continuer bon an mal an à consommer les énergies fossiles. En réaction à mon dernier essai, certains m’ont classé parmi ceux qui nient la réalité du changement climatique, ou accusé d’en être l’instrument. Une réaction normale dans un climat hautement polarisé, dans lequel le premier prisme au travers duquel on examine une personne ou une opinion est « dans quel camp se situe-t-elle ? ». Dans le contexte d’un conflit, toute information, quand bien même exacte, qui se démarque du récit dominant, se doit d’être rejetée au prétexte qu’elle pourrait soutenir ou conforter l’ennemi. Si les deux camps font cela, il en résulte un choix binaire excluant toute alternative qui se situerait au-delà d’un des deux pôles, ou même au-delà du faisceau d’opinions délimité par ces deux pôles. De plus, le fait d’exclure les données contradictoires a pour conséquence que chaque camp devient imperméable au progrès, au changement et à la vérité.
Il en découle que la conception de Planète Vivante, selon mon interprétation, déclenche l’hostilité pas seulement des anti-écologistes de droite mais aussi des catastrophistes climatiques de gauche, alors même que la gauche serait par affinité plus en accord avec ses principes. Cette hostilité prend racine dans le corolaire que je vais à présent en déduire : le réchauffement climatique ne représente pas le principal danger pour la biosphère, et notre priorité immédiate ne devrait pas se focaliser sur les émissions de gaz à effet de serre et l’énergie propre.
La réelle menace pesant sur la biosphère est bien plus grande que ce que la plupart des gens, même à gauche, ne réalisent ; elle englobe et dépasse largement le climat ; de fait, nous ne pouvons y faire face qu’en mettant en place une thérapie aux dimensions multiples.
Les gaz à effet de serre sont-ils un problème ? Sans aucun doute. Ils ajoutent une pression supplémentaire à des cycles planétaires du vivant déjà dangereusement affaiblis par le développement, l’écocide et la pollution. Prenons une analogie approximative : imaginons que les vents et courants de la Terre, les fluctuations de température et d’hygrométrie, et tous les facteurs météorologiques soient une sorte de tuyau d’arrosage géant, perforé de petits trous qui irriguent les plantes. Imaginons à présent que ces plantes aient grandi tout autour du tuyau et en quelle que sorte le maintiennent en place. A présent on déracine toutes ces plantes (destruction des écosystèmes) et en même temps on augmente considérablement la pression de l’eau (forçage par les gaz à effet de serre). En l’absence des plantes qui le maintenait en place, le tuyau se met à gonfler, à se tordre et à partir dans tous les sens, ne remplissant plus du tout son rôle d’irrigation là où elle est nécessaire.
Actuellement sur Terre, les écosystèmes – en particulier les forêts, les savanes et les zones humides – qui assuraient la stabilité des oscillations cycliques sont gravement détériorés. En parallèle, les gaz à effet de serre ont amplifié les flux thermodynamiques du système, perturbant ainsi davantage les régimes de circulation atmosphérique, et affaiblissant encore des écosystèmes fragilisés. Cependant, même sans augmentation des gaz à effet de serre, la destruction du vivant à grande échelle serait à elle seule un désastre. Les émissions provenant des combustibles fossiles ne font qu’aggraver une situation déjà alarmante.
Réviser les priorités
Quand un écosystème est sain, des niveaux élevés de CO2, de méthane et de température ne posent pas de problème grave en soi. Après tout, certaines études, bien que très controversées, révèlent que les températures étaient plus élevées au début de l’holocène, ainsi que pendant les périodes chaudes des époques minoenne, romaine et médiévale, alors qu’il n’y avait pas de boucle de rétroaction incontrôlée du méthane ni autre phénomène de ce genre. Un organisme dont les organes sont solides et les tissus sains est résilient.
Hélas, les organes de la Terre ont été blessés et ses tissus empoisonnés. Sa santé est fragile. C’est pourquoi il est important de réduire les gaz à effet de serre. Toutefois, la notion de Planète Vivante nous invite à établir des priorités autres que celles invoquées dans les discours habituels sur le climat.
La première des priorités, c’est de protéger toutes les forêts pluviales primaires qui subsistent, ainsi que tous les écosystèmes encore intacts. L’importance des mangroves, des prairies d’algues et autres zones humides, surtout près du littoral, est primordiale. Ces forêts et ces zones humides sont des trésors précieux, des réservoirs de biodiversité, des foyers de régénération du vivant. Ce sont eux les détenteurs de l’intelligence innée de la Terre, sans laquelle la pleine guérison ne serait possible.
La seconde priorité est de réparer et de régénérer les écosystèmes de par le monde. Cela se fera de plusieurs façons :
- Une extension colossale des réserves marines pour permettre la régénération des océans
- Une interdiction du chalutage de fond, des filets dérivants et autres techniques de pêche industrielle
- Des pratiques d’agriculture régénératrice qui reconstituent les sols, telles que les cultures de couverture, l’agriculture pérenne, l’agroforesterie et l’élevage holistique.
- L’afforestation et le reboisement
- L’aménagement de retenues d’eau permettant de réparer le cycle hydrologique
- La protection des grands prédateurs et de la mégafaune
La troisième priorité est d’arrêter d’empoisonner le monde à coup de pesticides, herbicides, insecticides, plastiques, PCBs, métaux lourds, antibiotiques, engrais chimiques, résidus pharmaceutiques, déchets radioactifs et autres polluants industriels. Ces produits affaiblissent la Terre au niveau cellulaire et se répandent dans toute la biosphère, si bien que, par exemple, on trouve une concentration de PCB dans le corps des orques telle que de l’orque devrait être classé déchet toxique. Les pesticides et la destruction des habitats sont également responsables d’une extinction de masse des insectes, des amphibies, des oiseaux, du microbiote du sol et d’autres formes de vie, érodant ainsi la capacité de Gaia à maintenir son équilibre.
La quatrième priorité, également importante, est de réduire les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cet aboutissement sera en grande partie une résultante des trois autres priorités. Le reboisement et l’agriculture régénératrice permettent tous deux de séquestrer des quantités phénoménales de carbone. De plus, pour véritablement protéger et restaurer les écosystèmes, il serait indispensable d’imposer un moratoire sur la construction de pipelines, de puits de pétroles off-shore, la fracturation hydraulique, l’extraction des schistes bitumineux, les mines à ciel ouvert et autres extractions de combustibles fossiles, tous responsables de dégradations écologiques majeures. La notion de Planète Vivante est aussi compatible avec certaines recommandations issues de l’approche purement carbone, et qui offrent des avantages à la fois écologiques et sociaux, comme par exemple les panneaux solaires en toiture, l’alimentation locale, les économies locales, les pistes cyclables en ville, les maisons solaires passives de petite taille, la démilitarisation, les produits de consommation réparables plutôt que jetables, le recyclage et la réutilisation. Si nous voulons aimer et prendre soin de tout ce qui est précieux sur notre planète, nous devons opérer une transition pour sortir de l’infrastructure des combustibles fossiles, indépendamment de la question des gaz à effet de serre.
Paradoxalement, nous n’avons pas besoin de l’argument des gaz à effet de serre pour réduire ces mêmes gaz. Si nous nous fixons les priorités exposées ci-dessus, nous atteindrons, et peut-être même dépasserons, la plupart des objectifs que réclament les activistes pro-climat traditionnels, mais grâce à une autre impulsion. Il faut toutefois noter des points de divergence importants. La notion de Planète Vivante rejette les projets de grands barrages hydroélectriques qui détruisent les zones humides, abiment les rivières et modifient la circulation des limons vers la mer. Elle abhorre les cultures de bioéthanol qui envahissent d’immenses régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, car elles remplacent généralement des écosystèmes naturels et une agriculture paysanne durable, à échelle locale. Elle redoute les projets de géo-ingénierie tels que l’éclaircissement des nuages par dispersion de souffre dans l’atmosphère. Elle n’a aucun intérêt pour les machines géantes à aspirer le carbone (technologie de capture et stockage du carbone). Elle est horrifiée par l’anéantissement des forêts dans le monde entier dans le but de transformer le bois en combustible servant à alimenter les centrales à charbon converties. Elle émet des réserves sur les turbines éoliennes géantes qui tuent les oiseaux, ainsi que sur les immenses champs de panneaux solaires couvrant des paysages désertés.
Polarisation et déni
J’ai fait référence plus haut à la thèse controversée d’une période médiévale plus chaude que la présente. J’aimerais revenir dessus, non parce que j’estime important de se prononcer pour ou contre, mais parce qu’elle révèle un problème de fond, qui paralyse notre culture de son carcan sur de nombreux sujets, pas seulement celui du changement climatique. Ce problème de fond, c’est celui de la polarisation.
Les graphiques en crosse de hockey semblent montrer que, contrairement à la thèse de la période médiévale chaude, notre époque est plus chaude qu’aucune autre au cours des dix mille années qui nous ont précédés. Pourtant, les sceptiques décrient les fondements méthodologiques et statistiques de ces études, avant de se prévaloir de preuves de températures antérieures plus chaudes, telles que des niveaux de la mer plus élevés en début et en milieu d’holocène.
Après deux ans de recherches poussées, je sais que je pourrais argumenter en faveur de l’une ou l’autre position sur cette question. Je pourrais, citant des travaux méritoires, argumenter que la période médiévale chaude (actuellement appelée anomalie de température médiévale) n’était en fait pas si chaude que çà, et dans tous les cas, circonscrite à l’Atlantique Nord et au bassin méditerranéen. Je pourrais tout autant argumenter, citant encore une fois des dizaines de publications révisées par des pairs, que l’anomalie était significative et globale. Il en va de même de la plupart des aspects du débat sur le climat : je pourrais argumenter chaque position de façon suffisamment convaincante pour impressionner ses partisans.
A ce stade, le lecteur est peut-être déjà irrité par l’insinuation d’une équivalence entre les deux camps, l’un étant constitué de pseudo-scientifiques de droite sans scrupules, financés par des grands groupes, et qui laissent leur cupidité prendre le pas sur la survie de l’humanité, alors que l’autre camp rassemble des scientifiques intègres et humbles, soutenus par des institutions auto-régulées grâce aux évaluations par des pairs, qui garantissent que le consensus adopté par la science s’approche au plus près de la vérité. Ou bien en fait se trouve-t-on en présence d’un côté de courageux dissidents qui risquent leur carrière en remettant en cause l’orthodoxie dominante, et de l’autre d’une communauté de carriéristes frileux, conciliants, voués à la cause mondialiste des « écolos » et autres « verts » gauchistes enragés ?
Les invectives corrosives lancées depuis chaque camp indiquent un haut degré d’investissement de l’ego dans chaque posture et me laissent douter de la capacité qu’aurait l’un ou l’autre camp à admettre des preuves qui iraient à l’encontre de leurs vues.
En observant la polarisation extrême affectant de nos jours la société américaine, et d’une certaine mesure l’ensemble de l’occident, j’ai déduit une règle générale qui s’applique aussi bien aux couples en discorde qu’à la politique : dans la majorité des cas, le problème de fond se situe en dehors du débat lui-même, les deux camps s’accordant tacitement à l’accepter ou à refuser de le voir. Prendre parti, c’est valider les termes du débat et accepter d’ignorer les problèmes sous-jacents.
Dans le débat sur le climat, il y a un accord tacite de haut niveau qui cantonne la question de la santé de la planète à la question des températures et de leur augmentation sur telle ou telle période. Lorsque notre inquiétude au sujet de la dégradation de l’environnement est annexée au réchauffement climatique, nous admettons que si les sceptiques ont raison, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Du coup, les défenseurs du climat veulent à tout prix prouver que les sceptiques ont tort, à tel point qu’ils en viennent à exclure les hausses historiques de température puisqu’elles ne corroborent pas leur thèse.
Pour quelle raison veulent-ils prouver à tout prix que les sceptiques ont tort ? Mes excuses aux blogs de droite sur le climat, mais ce n’est pas pour soutenir les complots diaboliques de George Soros et d’Al Gore visant à instituer un gouvernement socialiste à l’échelle mondiale. La raison, c’est une inquiétude entièrement fondée quant à l’état de notre planète. Le camp alarmiste amalgame une inquiétude indéniable sur les dommages anthropogènes causés à la planète et la question du réchauffement. Pour faire simple, les deux camps s’accordent à assimiler catastrophe et réchauffement incontrôlé et à débattre cette question plutôt que d’aborder le problème plus vaste de la santé de la planète. En adoptant cette démarche, je crains que les écologistes n’aient cédé un terrain prestigieux et accepté de mener la bataille sur un terrain difficile. Ils ont délaissé un argument imparable et opté pour une polémique. Ils ont remplacé une argumentation fondée sur l’amour (sauvons les baleines) par une argumentation fondée sur la peur (les coûts du changement climatique). Ils ont rendu la protection de la terre conditionnelle à l’acceptation d’une théorie politiquement orientée, exigeant de se fier à l’institution scientifique et aux systèmes de gouvernance dans lesquels elle s’inscrit. Ceci à une époque où la confiance dans nos systèmes de gouvernance décline, et cela pour de bonnes raisons.
Quant aux sceptiques, je crains que le terme péjoratif de « négationniste » ne soit bien souvent justifié. La question n’est pas de savoir si le point de vue scientifique établi sur le climat ne se prête pas à des critiques valides ; la position du sceptique s’inscrit dans une identité politique plus large qui est obligée, afin de maintenir sa cohésion, de rejeter tous les problèmes environnementaux en même temps que le réchauffement climatique. Cramponnés à un point de vue selon lequel tout va bien, les blogs des sceptiques du changement climatique soutiennent généralement que les déchets plastiques, les déchets radioactifs, les polluants chimiques, la perte de biodiversité, les gaz à effet de serre, les OGMs, les pesticides etc ne posent pas de problème, et donc que rien n’a besoin de changer. Le refus du changement est au cœur du déni psychologique. Telle une femme qui a quelque part conscience qu’elle a le cancer, mais refuse de l’admettre car elle devrait arrêter de fumer. Tel un homme qui sait que son mariage va à l’échec, mais ne peut se l’avouer faute de devoir arrêter de travailler autant. Pour pouvoir arrêter, il faudrait s’interroger sur les raisons de ces dépendances.
Il en va de même de notre civilisation : d’une certaine façon nous savons que nos modes de vie – je dirais même, nos modes d’existence – détruisent notre santé et notre union (à l’ensemble des formes de vie). Nous ressentons un mal-être grandissant derrière notre dépendance collective à la consommation et à la croissance. Et nous savons que nous sommes au seuil d’un passage initiatique vers une civilisation entièrement différente. Nous amorçons un profond virage, et la peur de ce virage nous empêche d’admettre qu’il y a un problème. Les sceptiques du changement climatique sont les plus affectés par ce déni, mais de manière perverse la majorité consensuelle des défenseurs du climat perpétue elle aussi une forme de déni, en défendant une vision de développement durable accessible simplement en changeant de sources d’énergie. L’oxymore « croissance durable », fréquemment utilisé, illustre tout à fait cette illusion, car la croissance entraîne la conversion de la nature en ressources, en produits, en argent. A la place, nous pourrions célébrer la métamorphose de notre civilisation et entrer dans un monde où développement n’est plus synonyme de croissance, où l’abstrait ne prend plus le pas sur le concret, et où ce qui est mesurable ne domine plus ce qui est d’ordre qualitatif.
Un des aspects de ce changement passe par le rétablissement de formes de connaissances qui ne sont pas fondées sur le quantitatif, autres que celle que nous qualifions de scientifique, de chiffrable, de mesurable. Vous me permettrez de révéler ici mon secret :je ne fais pas vraiment confiance à la science du climat, ni à l’institution scientifique en général. Je crois en la sincérité et en l’intelligence des scientifiques pris individuellement, mais en tant qu’institution la science est soumise à une forme de biais collectif résultant de l’exigence de confirmation réclamée par tout un système de publications scientifiques, de bourses, de promotions académiques et ainsi de suite. Cette méfiance est aussi en partie personnelle : j’ai vécu de nombreuses expériences que la science tient pour absurdes. J’ai étudié et bénéficié de types de thérapies que la science qualifie de charlatanisme. J’ai vécu parmi des peuples chez qui des phénomènes scientifiquement inacceptables sont courants. J’ai observé l’échec de consensus scientifiques, comme par exemple celui de l’hypothèse d’une cause lipidique de l’athérosclérose. Et je constate à quel point la science est enracinée dans ce qui est une mythologie obsolète de notre civilisation. Cela ne veut pas dire que je sois certain que le récit communément accepté sur le réchauffement climatique soit erroné – en fait je n’en sais rien. Je ne sais pas non plus s’il est correct. C’est pourquoi j’ai porté mon attention sur ce dont je suis sûr, à commencer par le savoir acquis au travers du ressenti de mes pieds nus.
Le vivant et le local
De manière perverse, la question du réchauffement climatique est dominée par un récit qui facilite le négationnisme en déplaçant l’inquiétude pour la porter sur une thèse scientifique contestable, et dont la preuve irréfutable ne pourra être apportée avant qu’il ne soit trop tard. Lorsque les effets sont éloignés dans l’espace et dans le temps, et que les causes sont elles aussi éloignées, il est bien plus aisé de nier le changement climatique que de réfuter par exemple que la chasse à la baleine tue des baleines, que la déforestation assèche les sols, que les plastiques déciment la vie dans les océans et ainsi de suite. De même, les effets d’une guérison écologique au niveau local sont plus faciles à observer que les effets des panneaux photovoltaïques ou des turbines éoliennes sur le climat. La distance entre la cause et l’effet est plus courte, les effets plus tangibles. Par exemple, lorsque des fermiers entreprennent de régénérer les sols, la nappe phréatique remonte, des sources qui étaient taries depuis des décennies rejaillissent, les rivières recommencent à couler toute l’année et les oiseaux et les animaux sauvages reviennent. Tout cela se constate à l’œil nu, sans avoir besoin de se fier à des institutions scientifiques lointaines.
Il se trouve aussi que le sol, une fois régénéré, stocke beaucoup de carbone. Le carbone est la base atomique de la vie. Nous en viendrons peut-être à considérer que les niveaux de CO2 atmosphérique sont une sorte de baromètre écologique indiquant le niveau auquel nous aurons réussi à faire revenir la vie sur la Terre.
La régénération des sols concrétise de manière caractéristique le paradigme de Planète Vivante en ce qu’elle est typiquement locale, inscrite dans un lieu précis. A l’inverse, les chiffres et les mesures étant par nature génériques (une tonne de carbone ici équivaut à une tonne de carbone ailleurs), le fait de concevoir la crise écologique en termes quantitatifs de niveaux de CO2 nous pousse à chercher des solutions globalisées, standardisées, qui sont évaluées en fonction de leur impact mesurable sur le carbone. Un des résultats a été le reboisement à grande échelle à partir d’arbres inadaptés à la région et à l’usage local, avec parfois des conséquences désastreuses. On mesure le carbone stocké dans leur biomasse, mais pas le carbone libéré lorsqu’ils ont pompé toute l’eau disponible dans le sol et meurent de soif trente ans plus tard, laissant un sol dénudé et vulnérable. On ne mesure pas non plus les effets annexes sur l’écosystème, ni les coûts de la lutte contre les ravageurs, ni la perturbation des modes de vie ancestraux qui pousse à l’urbanisation. Voilà bien les dangers de la prise de décision basée sur du mesurable : on occulte ce qu’on choisit de ne pas mesurer, ce qui est difficile à mesurer, ce qui ne se mesure pas.
Quand on considère les lieux et les écologies de cette planète comme étant des organismes vivants et non des ensembles de données, on réalise combien il est important d’avoir une connaissance approfondie du territoire au niveau local. La science du quantitatif peut aider à développer cette connaissance, mais elle ne peut se substituer aux observations précises, qualitatives des paysans et des autochtones, qui interagissent avec la terre chaque jour, au fil des générations.
Il est difficile pour un esprit scientifique de concevoir l’étendue et la subtilité des connaissances des chasseurs cueilleurs et des paysans traditionnels. Ces connaissances, codifiées au travers de récits culturels, de rites et de coutumes, intègrent leurs initiés aux organes de la terre et de la mer, de telle sorte qu’ils contribuent à la résilience de la vie sur Terre.
Rituel et relation
La durée de la période holocène stable est un des mystères auxquels est confrontée la science du climat : dix mille années de climat anormalement stable, qui ont permis à notre civilisation de prospérer. Autant que j’aie pu constater, la science attribue cette stabilité à la chance. Les peuples indigènes m’ont exposé à une toute autre explication : ce sont les rituels auxquels se livraient les cultures vivant en bonne entente avec les esprits de la terre qui préservaient les conditions nécessaires au bien-être de l’humain. Les cultures indigènes étaient constamment en communication avec des entités autres qu’humaines, priant ou négociant pour que les pluies soient abondantes et régulières, pour que les hivers soient doux, et ainsi de suite. Mais ils ne priaient pas seulement pour la clémence des saisons, ils se considéraient aussi comme étant gardiens de relations pérennes avec les puissances naturelles nécessaires à la préservation d’un monde propice à l’occupation humaine. Selon un Dogon que j’ai rencontré, le changement climatique est dû au déplacement des objets d’art rituels sacrés, arrachés à d’Afrique et d’ailleurs pour être exposés dans les musées d’Europe et d’Amérique du Nord. Disloqués et rituellement négligés, ils ne peuvent plus remplir leur fonction géo-spirituelle. Les Kogis ont une version similaire : non seulement nous devons protéger les sites sacrés de la Terre sinon la planète mourra, mais en plus nous devons poursuivre les cérémonies rituelles traditionnelles pour honorer ces sites.
Les esprits modernes ont tendance à assimiler de telles pratiques à des prières pitoyablement superstitieuses pour la pluie. Notre théorie sur la causalité ne permet pas de reconnaître l’efficacité du cérémonial et du rite dans la préservation de l’équilibre climatique local ou mondial. Je suis pourtant enclin à accepter les croyances indigènes et leurs pratiques au pied de la lettre, parce que je crois que la compréhension moderne de la causalité, comme dépendant de forces physiques, nous a caché d’autres niveaux de causalité plus mystérieux. Mais même si l’on préfère s’en tenir à la causalité moderne, à l’écologie moderne, à la science du climat moderne, on peut malgré tout attester que les rites de cultures liées à un terroir sont inséparables de tout un mode de vie, qui au travers de pratiques quotidiennes ordinaires, prend soin de l’eau, de la terre, de la vie. Qu’est-ce qui motive cette démarche ? C’est bien par respect pour toutes les créatures et tous les cycles, en temps qu’êtres vivants sacrés. Tout naturellement, cet état d’esprit pousse à communiquer avec eux.
Il n’en ressort pas que nous devrions nous mettre à imiter les rituels indigènes ; par contre nous devons comprendre la conception du monde qui les sous-tend, une conception qui les situe dans un monde vivant, intelligent et sacré. Alors nous serons en mesure de transcrire cette compréhension dans nos propres systèmes de rites (ceux que nous appelons technologie, argent et loi).
Une part primitive de ma psyché accepte comme une évidence que les affaires humaines affectent le climat au travers de vecteurs symboliques et métaphoriques. Cette intuition n’est pas très éloignée de la vision médiévale selon laquelle l’iniquité de la société attirait la colère divine sous forme de catastrophes naturelles. Tandis que j’écris ces mots, un déluge s’abat sur notre ferme ; les caniveaux et les mares sont pleins, les fossés débordent, faisant des ravages et emportant la terre végétale. Déjà trente-cinq centimètres et la pluie continue à tomber à verses. Tandis que le Sud-Est des Etats Unis enregistre des records de chaleur et souffre de sécheresse extrême. La distribution inégale de la pluie reflète la distribution inégale des richesses dans notre société. Ici si abondantes qu’on ne sait plus quoi en faire ; et ailleurs si rares que la survie elle-même est menacée. Notre culture a elle aussi ses rituels : nous manipulons les symboles que nous nommons argent et données, mûs par une croyance d’ordre magico-religieux que la réalité physique en sera modifiée. Et elle l’est, car nos rituels sont puissants. Or ils ont un prix invisible. D’autres cultures l’avaient bien compris : lorsqu’on invoque la magie à des fins égoïstes, cela entraîne inévitablement une catastrophe. A plus ou moins court terme, le climat perturbé de la Terre reflètera les perturbations dans le climat social, politique et psychique. Il se peut que je sois en train de projeter du sens sur du bruit, mais 2018, année de polarisation extrême des affaires humaines, a également été une année de polarisation extrême des températures, avec des records de chaleur à certains endroits, et de froid dans d’autres.
Quelle est la finalité de l’humain ?
La conception de Planète Vivante, par laquelle j’entends une planète douée d’âme et de conscience, admet un lien étroit entre les affaires humaines et celles de l’écologie. Beaucoup de gens disent : « le changement climatique n’est pas un danger pour la Terre. La planète s’en sortira, même si l’humanité disparaissait. » Pourtant, si nous concevons l’humanité comme une création chère à Gaia, conçue dans un dessein d’évolution, alors on ne peut pas déclarer que la Terre s’en sortira sans elle, au même titre qu’on ne pourrait déclarer qu’une mère s’en sortira si elle perd son enfant. Désolé, mais elle ne s’en sortira pas.
L’idée évoquée plus haut d’un dessein évolutionnaire, bien qu’elle soit contraire à la science biologique moderne, va dans le droit fil d’une conception du monde et du cosmos comme étant doués de sens, d’intelligence ou de conscience. Il en découle des questions telles que : « Pourquoi existons-nous ? » « Pourquoi sommes-nous là ? »et « Pourquoi suis-je là ? » Gaia a encouragé la croissance d’un nouvel organe. Quelle est sa finalité ? Comment l’humanité pourrait-elle coopérer avec les autres organes – les forêts et les océans et les papillons et les phoques – au service du rêve du monde ?
J’ignore les réponses à ces questions. Je sais seulement que nous devons commencer par les poser. Nous le devons, non pas pour une question de survie. En tant qu’individus ou qu’espèce, nous existons dans un but. La vie ne nous est pas donnée simplement pour survivre. Quelle est notre finalité ? Quelle est la vision lumineuse qui nous attire ? Telle est la question que nous devons poser au seuil de ce portail initiatique que nous appelons changement climatique. En la posant, nous invoquons une vision collective qui forme le germe d’un récit partagé, d’un accord commun. J’ignore quelle forme il prendra, mais je sais qu’il ne s’agit pas des vieilles visions futuristes de voitures volantes, de robots serviteurs, et de dômes artificiels protégeant des cités qui dominent un paysage désertique et contaminé. C’est un monde où les plages seront à nouveau couvertes de coquillages, où l’on verra des baleines par milliers, où d’immenses vols d’oiseaux traverseront le ciel, où les rivières couleront limpides, et où la vie sera revenue dans les lieux de désolation actuelle.
Notre existence a un sens. Même s’il nous manque une vision inspirante qui révèle le destin de l’humanité, nous avons une boussole intérieure pour nous guider. En la suivant, nous entrons dans une démarche de service. En servant, nous réalisons que oui, c’est pour cela que je suis là. Peut-être cette démarche induira-t-elle les uns à participer à des marches pour le climat par exemple, et d’autres à restaurer et protéger une toute petite partie de la Terre, ou d’autres encore à confronter le climat social, le climat spirituel, le climat relationnel – afin de restaurer la santé de ce nouvel organe de Gaia que nous appelons l’humanité. Certaines de ces activités n’ont pas d’effet apparent sur le bilan carbone, et pourtant l’intuition nous laisse à penser que chacune contribue à la même révolution. Une société qui exploite les personnes les plus vulnérables est aussi une société qui exploite les lieux les plus vulnérables. Une société qui se consacre à la guérison à un certain niveau en viendra inéluctablement à se consacrer à la guérison à tous les niveaux.
Il m’est à présent possible d’être plus précis quant à la nature de l’initiation à laquelle je faisais référence au tout début. La question qui l’anime – Pourquoi sommes-nous là – est une étape clé dans le processus de maturation vers l’âge adulte. Nous pourrions donc interpréter la convergence des crises actuelles comme une initiation à l’âge adulte collectif – l’accession de la civilisation moderne à son dessein. Ce n’est pas une question de survie ; c’est pourquoi les récits fondés sur la peur, sur l’analyse des pertes et profits, sur la menace existentielle ne servent pas la cause de la guérison écologique. Pourrait-on les remplacer par un récit fondé sur l’amour ? Sur la beauté ? Sur l’empathie ? Est-ce que nous pouvons nous relier à notre amour pour cette planète vivante en souffrance, observer nos mains et nos esprits, notre technologie et nos formes d’art, et nous demander : quelle est la meilleure façon de participer à la guérison et au rêve de la Terre ?