L’autre jour, j’ai lu une critique du Couronnement qui m’a amusée : l’auteur était absolument persuadé que j’étais un adepte des théories du complot qui n’affichait pas sa couleur. Il était si persuasif que j’ai failli y croire moi-même.
En fait, qu’est-ce qu’une théorie du complot ? Le terme est parfois utilisé contre quiconque remet en question l’autorité, s’oppose aux paradigmes dominants ou pense que des intérêts cachés influencent nos institutions. À ce titre, c’est une façon d’étouffer toute pensée dissidente et d’intimider ceux qui tentent de s’opposer aux abus de pouvoir. Nul besoin d’abandonner toute pensée critique pour croire que les institutions ayant du pouvoir agissent parfois de connivence avec certains intérêts, conspirent, dissimulent des informations et sont corrompues. Si c’est ce que l’on entend par théorie du complot, il est évident que certaines de ces théories sont vraies. Vous souvenez-vous de l’affaire Enron ? de l’Irangate ? de l’affaire COINTELPRO[1] ? du scandale du Vioxx ? des armes de destruction massive en Irak ?
Pendant la crise du Coronavirus, des théories du complot d’un autre niveau sont arrivées sur le devant de la scène qui vont bien au-delà des récits isolés de collusion et de corruption et qui postulent que le complot est un principe essentiel pour expliquer le fonctionnement du monde. Nourrie par la réponse autoritaire à la pandémie (qu’ils soient justifiables ou non, le confinement, la quarantaine, la surveillance et le traçage numérique, la censure de toute désinformation, la suspension de la liberté de réunion et d’autres libertés individuelles, etc. sont bel et bien autoritaires), cette théorie de l’archi-complot soutient qu’une cabale d’initiés malveillants et avides de pouvoir a délibérément créé la pandémie ou, du moins, l’exploite impitoyablement pour effrayer le public et l’amener à accepter un gouvernement mondial totalitaire sous loi martiale sanitaire permanente, un Nouvel Ordre Mondial (NOM). En outre, ce groupe maléfique, ces Illuminati, tire les ficelles de tous les grands gouvernements, des entreprises, des Nations Unies, de l’OMS, du CDC, des médias, des services de renseignements, des banques et des ONG. En d’autres termes, disent ceux qui se réclament de ces théories, tout ce que l’on nous dit est un mensonge et le monde est sous l’emprise du mal.
Que pensez-vous de cette théorie ? Je pense que c’est un mythe. Et qu’est-ce qu’un mythe ? Un mythe, ce n’est pas la même chose qu’un fantasme ou une illusion. Les mythes sont des véhicules pour la vérité, et cette vérité n’a pas besoin d’être littérale. Les mythes grecs, par exemple, ont l’air de simples récits distrayants jusqu’à ce qu’on les décode en associant chaque dieu à des forces psychosociales. Ainsi, les mythes mettent les ombres en lumière et révèlent ce qui a été réprimé. Ils s’emparent d’une vérité sur la psyché ou la société et la transforment en histoire. La vérité d’un mythe ne dépend pas du fait qu’il soit vérifiable de manière objective. C’est une des raisons pour lesquelles, dans “Le Couronnement”, j’ai dit que mon but n’était ni de soutenir ni de démystifier le récit complotiste, mais plutôt d’examiner ce qu’il éclaire. Après tout, on ne peut ni le prouver, ni le réfuter.
Qu’est-ce qui est vrai dans le mythe du complot ? Sous son aspect littéral, il transmet des informations importantes que l’on ignore à nos risques et périls.
Tout d’abord, il démontre l’ampleur choquante de l’aliénation du public vis-à-vis des institutions. En dépit de toutes les batailles politiques durant l’après Seconde Guerre Mondiale, tout le monde s’accordait au moins sur les faits principaux et les endroits où on pouvait les découvrir. La majeure partie de la population avait une grande confiance dans les institutions clés de la production du savoir – la science et le journalisme. Si le New York Times et CBS Evening News affirmaient que le Nord-Vietnam avait attaqué les États-Unis dans le golfe du Tonkin, la plupart des gens le croyaient. Si la science disait que l’énergie nucléaire et le DDT étaient sûrs, la plupart des gens y croyaient aussi. Dans une certaine mesure, cette confiance était méritée. Les journalistes ont parfois défié les intérêts des puissants, comme cela a été le cas avec l’exposé de Seymour Hersh sur le massacre de My Lai, ou avec le reportage de Woodward et Bernstein sur le Watergate. La science, à l’avant-garde de la marche en avant de la civilisation, avait la réputation de rechercher la connaissance de manière objective, au mépris des autorités religieuses traditionnelles, ainsi qu’une réputation de noble dédain pour tout intérêt politique ou financier.
Aujourd’hui, la confiance dans la science et le journalisme est en lambeaux. Je connais plusieurs personnes très instruites qui croient que la terre est plate. En ne prenant pas en considération celles et ceux qui croient en la terre plate ainsi que les dizaines de millions d’adeptes de récits alternatifs moins extrêmes (historiques, médicaux, politiques et scientifiques) et en les qualifiants d’ignorants, on confond symptôme et cause. Leur perte de confiance est un symptôme évident d’une perte de la capacité à inspirer confiance. Nos institutions de production de la connaissance ont trahi la confiance du public à plusieurs reprises, tout comme nos institutions politiques. Aujourd’hui, de nombreuses personnes ne les croient pas, même lorsqu’elles disent la vérité. Cela doit être très frustrant pour les médecins, les scientifiques ou les fonctionnaires méticuleux. Pour eux, le problème ressemble à une population devenue folle, à une marée montante d’irrationalité anti-scientifique qui met en danger la santé publique. De leur point de vue, la solution serait de combattre l’ignorance. C’est presque comme si l’ignorance était un virus (de fait, j’ai déjà entendu cette phrase quelque part) qui doit être contrôlé par la même sorte de quarantaine (par exemple, la censure) que celle que nous appliquons au coronavirus.
Ironiquement, un autre type d’ignorance se manifeste dans ces deux approches : l’ignorance du terrain. Quel est le tissu malade sur lequel le virus de l’ignorance se propage ? La perte de confiance dans la science, le journalisme et le gouvernement reflète une longue corruption dans leurs rangs : leur arrogance et leur élitisme, leur alliance avec les intérêts des grandes entreprises et leur institutionnalisation de la suppression de la dissidence. Le mythe du complot incarne la prise de conscience d’une profonde déconnexion entre les postures publiques de nos dirigeants et leurs véritables projets et motivations. Il témoigne d’une culture politique opaque pour le citoyen ordinaire, d’un monde fait de secrets, de culte de l’image, de relations publiques, de langue de bois, d’effets d’optique, de sujets de débat, de gestion des perceptions, de gestion du récit et de guerre de l’information. Il n’est pas étonnant que les gens soupçonnent qu’une autre réalité est à l’œuvre dans les coulisses.
Deuxièmement, le mythe du complot donne une forme narrative à la juste intuition selon laquelle une puissance inhumaine gouverne le monde. Quelle pourrait être cette puissance ? Le mythe du complot la situe au sein d’un groupe d’êtres humains malveillants (qui, dans certaines versions, reçoivent des ordres d’entités extraterrestres ou démoniaques). On trouve là un certain réconfort psychologique, car il y a maintenant quelqu’un à blâmer selon des schémas familiers, à savoir le récit eux-contre-nous et le triangle victime-bourreau-sauveur. Un autre manière de le voir est de situer cette « puissance inhumaine » dans des systèmes ou des idéologies, et non dans un groupe de conspirateurs. C’est moins gratifiant psychologiquement, car on ne peut plus aussi facilement s’identifier au camp des bons luttant contre le mal ; après tout, nous participons nous-mêmes à ces systèmes qui imprègnent toute notre société. Des systèmes comme le système monétaire basé sur la dette, le patriarcat, la suprématie blanche ou le capitalisme ne peuvent être éradiqués en luttant contre ceux qui les gèrent. Ces systèmes créent des rôles que les artisans du Mal peuvent remplir, mais ceux-ci sont des fonctionnaires ; des marionnettes, et non les marionnettistes. L’intuition de base des théories du complot est donc vraie : ceux dont nous pensons qu’ils détiennent le pouvoir ne sont que les marionnettes de la puissance véritablement à l’œuvre dans le monde.
Il y a quelques semaines, j’étais au téléphone avec une personne qui avait occupé un poste élevé au sein de l’administration Obama et qui continue à évoluer dans les cercles de l’élite. Il m’a dit : « Il n’y a personne au volant » J’avoue que j’ai été un peu déçu, parce qu’il y a effectivement une partie de moi qui souhaite que le problème soit une bande d’ignobles conspirateurs. Pourquoi ? Parce qu’alors les problèmes de notre monde seraient assez faciles à résoudre, du moins en principe. Il suffirait de démasquer et d’éliminer ces méchants. C’est la formule qui prévaut à Hollywood pour redresser tous les torts du monde : un chevalier héroïque affronte et vient à bout du méchant, et tout le monde vit heureux pour l’éternité. Hum ! C’est la même formule de base que rejeter la responsabilité de la mauvaise santé sur les microbes, et à les détruire avec tout un arsenal de médicaments afin de vivre en bonne santé et en toute sécurité pour l’éternité, tuer les terroristes, empêcher les immigrants d’entrer en construisant un mur et enfermer les criminels, afin de vivre en bonne santé et en toute sécurité pour l’éternité. Inspirées du même modèle, les théories du complot font appel à une orthodoxie inconsciente. Elles émanent du même panthéon mythique que les maux sociaux qu’elles dénoncent. On pourrait appeler ce panthéon « la Séparation », et l’un de ses thèmes principaux est la guerre contre l’Autre.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de microbe – ou de complot. Le Watergate, l’affaire COINTELPRO, l’Irangate, le Vioxx de Merck, la dissimulation de l’explosion de la Pinto par Ford, la campagne de corruption de Lockheed-Martin, la vente en connaissance de cause de sang contaminé par Bayer et le scandale Enron démontrent qu’il existe bel et bien des conspirations impliquant des élites puissantes. Pourtant aucun de ces faits n’est un mythe : un mythe est quelque chose qui explique le monde ; il est, mystérieusement, plus grand que lui-même. C’est ainsi que la théorie du complot de l’assassinat de Kennedy (que, sans doute au prix de ma crédibilité, je vais avouer tenir pour véridique) est un portail vers le royaume mythique.
Mais le mythe du complot dont je voudrais traiter ici est bien plus vaste que tous ces exemples spécifiques : c’est le mythe selon lequel le monde tel que nous le connaissons est le résultat d’une conspiration, dont les Illuminati ou ceux qui la contrôlent sont les dieux maléfiques. Pour ses croyants, il devient un discours qui englobe tout et qui analyse chaque événement avec son propre filtre.
C’est un mythe avec un illustre pedigree qui remonte au moins aussi loin que l’époque des gnostiques au premier siècle de notre ère. Les gnostiques croient qu’un démiurge maléfique a créé le monde matériel à partie d’une essence divine initiale. Ayant créé le monde à l’image de sa propre distorsion, il s’imagine en être le véritable dieu et souverain.
Il n’est pas nécessaire d’y croire littéralement, ni de croire littéralement à une cabale maléfique contrôlant le monde, pour tirer les enseignements de ce mythe ; enseignement sur l’arrogance des puissants, par exemple, ou sur la nature de la distorsion qui colore le monde dont nous faisons l’expérience.
Qu’est-ce qui fait que la grande majorité de l’humanité se conforme à un système qui conduit la Terre et le genre humain à la ruine ? Quelle puissance nous tient dans ses griffes ? Il n’y a pas que les théoriciens du complot qui sont captifs d’une mythologie. La société dans son ensemble l’est aussi. Je l’appelle la mythologie de la Séparation : moi séparé de vous, la matière séparée de l’esprit, l’Humain séparé de la Nature. Elle nous considère comme des êtres distincts et séparés dans un univers objectif fait de forces et de masses, d’atomes et de vide. Parce que (dans ce mythe) nous sommes séparés des autres et de la nature, nous devons l’emporter sur nos concurrents et maîtriser la nature. Le progrès consiste donc à accroître notre capacité à contrôler l’Autre. Dans ce mythe, l’histoire humaine est une élévation qui passe d’un triomphe à un autre : du feu à la domestication à l’industrie aux technologies de l’information au génie génétique et aux sciences sociales, avec la promesse d’un futur paradis où tout est sous contrôle. Ce même mythe motive la conquête et le saccage de la nature, en organisant la société autour de l’objectif de transformer la planète toute entière en argent : nul besoin de complot.
La mythologie de la Séparation est ce qui génère ce que j’ai nommé dans “Le Couronnement” un « biais de civilisation » vers le contrôle. Le modèle de solution est, face à n’importe quel problème, de trouver quelque chose à contrôler : mettre en quarantaine, tracer, emprisonner, cloisonner, dominer ou tuer. Si le contrôle échoue, le problème sera résolu par davantage de contrôle. Pour atteindre le paradis social et matériel, il faut tout contrôler, suivre chaque mouvement, surveiller chaque mot, enregistrer chaque transaction. Alors, il ne peut plus y avoir de crime, plus d’infection, plus de désinformation. Lorsque l’ensemble de la classe dirigeante accepte cette formule et cette vision, ils agissent naturellement de concert pour accroître leur contrôle. C’est pour le plus grand bien de tous. Lorsque la population l’accepte elle aussi, elle ne fait preuve d’aucune résistance. Il ne s’agit pas d’un complot, même si cela peut tout à fait y ressembler. Ceci est la deuxième vérité du mythe du complot : les événements sont en effet orchestrés dans le sens d’un contrôle de plus en plus grand, mais la puissance qui orchestre le tout est elle-même un zeitgeist[2], une idéologie… un mythe.
Un complot sans conspirateurs
N’écartons pas le mythe du complot en le traitant comme un simple mythe. Non seulement c’est un diagnostic psychosocial essentiel, mais il révèle quelque chose qu’il est difficile de percevoir autrement dans la mythologie officielle, où les principales institutions de la société, bien qu’imparfaites, nous emmènent toujours plus avant vers une utopie high tech. Le mythe prédominant nous rend aveugle aux données auxquelles les adeptes des théories du complot font référence dans leurs récits. Il peut s’agir de faits comme l’emprise que peut exercer l’industrie pharmaceutique sur la réglementation des médicaments, les conflits d’intérêts au sein des organismes de santé publique, l’efficacité douteuse des masques, les taux de mortalité bien plus bas que prévu, l’emprise totalitaire excessive, l’utilité douteuse du confinement, les inquiétudes au sujet des fréquences non ionisantes des radiations électromagnétiques, les bénéfices des méthodes naturelles et holistiques qui renforcent l’immunité, la théorie du terrain, les dangers de la censure au nom de la « lutte contre les fake news », etc. Il serait quand même bon de pouvoir aborder les nombreux faits corrects et questions légitimes que les récits alternatifs autour du Coronavirus soulèvent sans être immédiatement catégorisé comme adepte d’extrême droite des théories du complot.
Cette expression « adepte d’extrême droite des théories du complot » est un peu étrange, car traditionnellement, c’est la gauche qui était la plus attentive à la propension des puissants à abuser de leur pouvoir. Traditionnellement, c’est la gauche qui se méfie des intérêts des entreprises, qui nous pousse à « remettre en cause l’autorité », et qui a d’ailleurs été la principale victime de l’infiltration et de la surveillance du gouvernement. Il y a cinquante ans, si quelqu’un avait dit : « Il existe un programme secret appelé COINTELPRO qui espionne les groupes de défense des droits civiques afro-américains et sème la division en leur sein à l’aide de lettres de diffamation et de rumeurs fabriquées », cela aurait été une théorie du complot selon les normes actuelles La même chose, il y a 25 ans, avec « un programme secret où la CIA soutient le trafic de drogue dans les milieux urbains aux Etats Unis et utilise les recettes pour financer des groupes paramilitaires de droite en Amérique Centrale ». Même chose avec l’infiltration par le gouvernement des groupes environnementaux et des mouvements pour la paix à partir des années 80. Ou plus récemment, l’infiltration du mouvement Standing Rock. Ou encore le complot dans le secteur immobilier qui depuis des décennies exclut les noirs de certains quartiers. Compte tenu de cet historique, pourquoi donc la gauche exhorte-t-elle soudain tout le monde à faire confiance à « ceux qui savent », c’est-à-dire à faire confiance aux déclarations des sociétés pharmaceutiques et des organisations financées par ces dernières, comme le CDC et l’OMS ? Pourquoi le scepticisme à l’égard de ces institutions est-il qualifié « d’extrême droite » ? On ne peut pas dire que seuls les privilégiés sont « dérangés » par le confinement. Celui-ci est en train de ruiner la vie de dizaines ou de centaines de millions de personnes précaires au niveau mondial. Le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies prévient que d’ici la fin de l’année, 260 millions de personnes seront menacées de famine. La plupart sont des personnes noires et de couleur en Afrique et en Asie du Sud. On pourrait avancer que limiter le débat à la question épidémiologique de la mortalité est en soi une posture privilégiée qui ne tient absolument pas compte de la souffrance des populations déjà les plus marginalisées.
La « théorie du complot » est devenue une invective politique, utilisée pour dénigrer tout point de vue divergeant des croyances dominantes. En gros, toute critique des institutions dominantes peut être qualifiée de théorie du complot. Et cette diffamation contient une vérité perverse. Par exemple, si vous croyez que le glyphosate est dangereux pour la santé humaine et écologique, alors logiquement vous devez aussi croire que Bayer/Monsanto censure ou ne tient pas compte de cette information, et vous devez aussi croire que le gouvernement, les médias et l’establishment scientifique sont, dans une certaine mesure, complices de cette censure. Sinon, pourquoi ne voit-on pas en une du New York Times « Un lanceur d’alerte chez Monsanto révèle les dangers du glyphosate » ?
La censure d’informations peut se produire sans orchestration délibérée. Tout au long de l’histoire, des délires, des tendances intellectuelles et des hystéries collectives ont surgi et sont repartis spontanément. C’est plus mystérieux qu’une explication rapide par le complot. Des actions coordonnées inconsciemment peuvent ressembler à un complot, et la frontière entre les deux est floue. Prenons l’exemple de la fraude aux armes de destruction massive (ADM) qui a servi de prétexte à l’invasion de l’Irak. Peut-être que des membres de l’administration Bush ont sciemment utilisé le document bidon « yellowcake » pour appeler à la guerre ; peut-être ont-ils simplement voulu croire que les documents étaient authentiques, ou peut-être se sont-ils dit : « Eh bien, c’est discutable, mais Saddam doit avoir des ADM, et même s’il n’en a pas, il en veut, donc sur le fond le document est vrai… » Les gens croient facilement ce qui sert leurs intérêts ou correspond à leur vision du monde sur le moment.
Dans le même ordre d’idées, les médias n’avaient guère besoin d’être encouragés pour commencer à battre les tambours de guerre. Ils savaient déjà ce qu’il fallait faire, sans avoir à recevoir d’instructions. Je ne pense pas que beaucoup de journalistes aient réellement cru au mensonge des ADM. Ils ont fait semblant d’y croire, car inconsciemment, ils savaient que c’était le récit de l’Establishment. C’était ce qui leur permettrait d’être reconnus comme des journalistes sérieux. C’était ce qui leur donnerait accès au pouvoir. C’était ce qui leur permettrait de garder leur poste et de faire progresser leur carrière. Mais surtout, ils faisaient semblant d’y croire parce que tout le monde faisait la même chose. C’est difficile d’aller à l’encontre du zeitgeist.
Le scientifique britannique Rupert Sheldrake m’a parlé d’une conférence qu’il a donnée dans une prestigieuse université britannique, devant un groupe de scientifiques qui travaillaient sur le comportement des animaux. Il parlait de ses recherches sur les chiens qui savent quand leur propriétaire va rentrer à la maison, et d’autres phénomènes télépathiques observés chez les animaux domestiques. L’exposé a été accueilli avec une sorte de silence poli. Mais lors de la pause qui a suivi, chacun des six maîtres de recherche présents au séminaire est venu le voir individuellement et, après s’être assuré que personne d’autre ne les écoutait, lui ont avoué avoir vécu des expériences similaires avec leurs propres animaux, ou être convaincu que la télépathie est un phénomène bien réel, mais qu’il ou elle ne pouvait en parler à leurs collègues car ceux-ci étaient bien trop conventionnels. Lorsque Sheldrake a réalisé que les six lui avaient dit à peu près la même chose, il leur a dit : « Pourquoi ne le dites vous pas publiquement ? Vous vous amuseriez tellement plus ! » Il raconte que lorsqu’il donne une conférence dans une institution scientifique, il y a presque toujours des scientifiques qui l’abordent après coup en lui disant avoir vécu des expériences qui les ont convaincus de la réalité des phénomènes psychiques ou spirituels, mais qu’ils ou elles ne peuvent en discuter avec leurs collègues de peur d’être pris pour des personnes bizarres.
Il ne s’agit pas d’une conspiration délibérée visant à supprimer les phénomènes psychiques. Ces six scientifiques ne se sont pas réunis au préalable pour décider de censurer les informations qu’ils et elles savaient réelles. Ils et elles se gardent d’exprimer leurs opinions à cause des normes de leur sous-culture, des paradigmes fondamentaux qui délimitent la science et de la menace très réelle pour leur carrière. La persécution et la calomnie dirigées contre Sheldrake lui-même démontrent ce qui arrive à un scientifique qui s’oppose ouvertement à la réalité scientifique officielle. Par conséquent, on peut toujours dire qu’un complot a lieu, mais son responsable est une culture, un système et une histoire.
Cette tendance, ou bien un programme complotiste délibéré, est-elle une explication plus satisfaisante du glissement apparemment inexorable (qui n’a en aucun cas commencé avec le Coronavirus) vers la surveillance généralisée, le traçage, la distanciation, la phobie des microbes, l’obsession sécuritaire, et la migration vers le numérique et l’intérieur des foyers des activités de divertissement, de loisirs et des interactions sociales ? Si le responsable est effectivement un système et une mythologie culturels, alors les théories du complot sont une fausse cible, une distraction. Le remède ne peut pas être de démasquer et de renverser celles et ceux qui nous ont imposé ces tendances. Bien sûr, il y a beaucoup de personnes qui agissent mal dans le monde, des personnes sans remords qui commettent des actes odieux. Mais ont-elles créé le système et la mythologie de la Séparation, ou en tirent-elles simplement profit ? Il faut sans aucun doute arrêter ces personnes, mais si c’est ce que l’on se contente de faire et qu’on laisse inchangées les conditions qui leur permettent d’émerger, on mènera une guerre sans fin. Tout comme dans la théorie biologique du terrain les microbes sont des symptômes et des agents qui profitent de tissus malades, les cabales complotistes sont également des symptômes qui profitent d’une société malade : une société empoisonnée par une mentalité de guerre, de peur, de séparation et de contrôle. Cette idéologie profonde, le mythe de la séparation, personne n’a le pouvoir de l’inventer. Les Illuminati, s’ils existent, n’en sont pas les auteurs ; il est bien plus vrai de dire que leur auteur est la mythologie. Nous ne créons pas nos mythes, ce sont eux qui nous créent.
De quel côté êtes-vous ?
Je n’ai toujours pas dit si je crois que le mythe du complot du Nouvel Ordre Mondial est vrai ou non. En fait si, je l’ai dit. J’ai dit qu’il est vrai en tant que mythe, indépendamment de sa correspondance avec des faits vérifiables. Mais qu’en est-il des faits ? Allons, Charles, dis-nous, y a-t-il ou non réellement un complot derrière l’affaire du Coronavirus ? Il y a forcément un fait objectif. Les chemtrails, ces traces de produits chimiques dans le ciel, sont-elles réelles ? Le SARS-COV2 a-t-il été génétiquement modifié ? Le rayonnement micro-ondes des tours de téléphonie mobile a-t-il un impact ? Les vaccins introduisent-ils dans le corps des virus provenant de la culture de cellules animales ? Bill Gates concocte-t-il une prise de pouvoir sous la forme d’une loi martiale médicale ? Une élite luciférienne dirige-t-elle le monde ? Vrai ou faux ? Oui ou non ?
À cette question, je répondrai par une autre : étant donné que je ne suis pas un expert sur ces questions, pourquoi voulez-vous savoir ce que j’en pense ? Serait-ce pour me placer d’un côté ou de l’autre d’une guerre de l’information ? Vous saurez alors si vous pouvez apprécier cet essai, le partager ou me recevoir sur votre podcast. Dans une mentalité de guerre « eux-contre-nous », il est crucial de savoir de quel côté se trouve quelqu’un, de crainte d’apporter aide et réconfort à l’ennemi.
Ça y est ! Charles doit être de l’autre côté. Parce qu’il a créé une équivalence erronée entre des connaissances scientifiques respectables, fondées sur des preuves et visées par des pairs d’une part, et des théories du complot insensées d’autre part.
Ça y est ! Charles doit être de l’autre côté. Parce qu’il a créé une équivalence erronée entre la propagande des entreprises et du gouvernement d’une part, et les courageux dissidents et lanceurs d’alerte qui risquent leur carrière pour la vérité d’autre part.
Voyez-vous à quel point cette mentalité de guerre peut tout englober ?
La mentalité de guerre imprègne profondément notre société polarisée, qui voit le progrès comme une conséquence de la victoire : victoire sur un virus, sur les ignorants, sur la gauche, sur la droite, sur les élites psychopathes, sur Donald Trump, sur la suprématie blanche, sur les élites libérales… Chaque camp utilise la même formule, et cette formule nécessite un ennemi. Alors, nous soumettant à cette convention, nous nous divisons pour former des camps : Nous et Eux, épuisant ainsi 99% de notre énergie dans une lutte acharnée, sans jamais soupçonner que le véritable pouvoir maléfique pourrait être la formule elle-même.
L’idée n’est pas de trouver un moyen d’exclure les conflits des affaires humaines. L’idée est de remettre en question une mythologie – adoptée par les deux parties – qui voit en chaque problème un conflit. La lutte et le conflit ont leur place, mais d’autres intrigues sont possibles. Il existe d’autres voies vers la guérison et la justice.
Un appel à l’humilité
Avez-vous déjà remarqué que les événements semblent s’organiser d’eux-mêmes pour valider la vision que vous avez sur le monde ? Le biais de sélection et le biais de confirmation expliquent en partie ce phénomène, mais je crois que quelque chose de plus étrange est également à l’œuvre. Lorsqu’on est habité par une foi profonde ou par une paranoïa profonde, il semble que cet état attire à lui des événements qui le confirment. La réalité s’organise pour correspondre à nos histoires. D’une certaine manière, il s’agit bien d’un complot, mais ce n’est pas un complot orchestré par l’humanité. Cela peut-être la troisième vérité que contient le mythe du complot : l’existence d’une intelligence organisatrice derrière les événements de notre vie.
Cela ne sous-entend en aucun cas la croyance New Age que nos croyances créent la réalité. C’est plutôt que la réalité et les croyances se construisent l’une l’autre, évoluant ensemble en un tout cohérent. La connexion intime et mystérieuse entre le mythe et la réalité implique que la croyance n’est jamais réellement l’esclave des faits. Nous régnons sur des faits – ce qui ne veut pas dire que nous les créons. Régner sur eux ne signifie pas être leur tyran, leur manquer de respect et les dominer. Le monarque sage prête attention au sujet indiscipliné, comme un fait qui met au défi le récit ambiant. Il s’agit peut-être simplement d’un fauteur de troubles perturbé, comme un simple mensonge. Mais il se peut aussi que ce soit le signe d’un manque d’harmonie dans le royaume. Peut-être que le royaume n’est plus légitime. Peut-être que le mythe n’est plus vrai. Il se pourrait fort bien que les attaques véhémentes contre les opinions dissidentes autour du Coronavirus, en les accusant de « théorie du complot », révèlent l’invalidité des paradigmes orthodoxes qu’elles cherchent à maintenir.
Si c’est le cas, cela ne veut pas pour autant dire que les paradigmes orthodoxes sont tous faux. Bondir d’une certitude à l’autre, c’est manquer de traverser la terre sacrée de l’incertitude, du non-savoir, de l’humilité, au sein de laquelle des informations véritablement nouvelles peuvent surgir. Ce que partagent les experts, quelque soit leur tendance, c’est leur certitude. Qui est digne de confiance ? Au final, c’est la personne qui a l’humilité de reconnaître quand elle a eu tort.
À celles et ceux qui rejettent catégoriquement toute information remettant sérieusement en cause la médecine conventionnelle, le confinement, les vaccins, etc., je voudrais demander : Avez-vous besoin de murs aussi hauts autour de votre royaume ? Au lieu de bannir ces sujets indisciplinés, quel mal y aurait-il à leur accorder une audience ? Quel danger y aurait-il à visiter un autre royaume, guidé non par votre loyal ministre mais par les partisans les plus intelligents et les plus accueillants de l’autre bord ? Si cela ne vous intéresse pas de passer les quelques heures nécessaires à l’étude des opinions dissidentes suivantes, très bien. Moi aussi je préfèrerais être dans mon jardin. Mais si vous êtes partisan de l’une de ces questions, quel mal y a-t-il à visiter le territoire ennemi ? Habituellement, les partisans ne le font pas. Ils se fient aux rapports de leurs propres dirigeants sur l’ennemi. S’ils savent quelque chose au sujet des opinions de Robert F. Kennedy Jr. ou de Judy Mikovitz, c’est au travers du prisme de quelqu’un qui les démystifie. Allez-y, écoutez Kennedy, ou si vous préférez écouter uniquement des médecins, David Katz, Zach Bush, ou Christiane Northrup.
Je voudrais lancer la même invitation à ceux qui rejettent le point de vue conventionnel. Trouvez les médecins et scientifiques conventionnels les plus scrupuleux possibles et plongez dans leur monde. Adoptez l’attitude d’un invité respectueux, et non celle d’un espion hostile. Si vous faites cela, je vous garantis que vous croiserez des données qui remettront en question n’importe quel récit avec lequel vous êtes arrivé. La splendeur de la virologie conventionnelle, les merveilles de la chimie que des générations de scientifiques ont découvertes, l’intelligence et la sincérité de la plupart de ces scientifiques, et l’altruisme sincère des membres du personnel de santé en première ligne, qui n’ont aucun conflit d’intérêt politique ou financier et se mettent eux-mêmes en danger, doivent faire partie de tout récit satisfaisant.
Après deux mois de recherche intensive, je n’ai toujours pas trouvé de récit satisfaisant qui tienne compte de chaque donnée. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas agir, car après tout, aucune connaissance n’est jamais certaine. Malgré tout, dans le tourbillon des récits concurrents et des mythologies distinctes qui les sous-tendent, on peut rechercher une action qui ait un sens, quel que soit le camp qui a raison. On peut rechercher des vérités obscurcies par la fumée et la clameur du combat. On peut remettre en question des hypothèses que les deux camps considèrent comme allant de soi, et poser des questions qu’aucun des deux ne pose. Sans s’identifier à l’une ou l’autre, on peut recueillir des informations auprès des deux camps. Si on généralise cette démarche à la société toute entière, si on fait entendre toutes les voix, y compris les voix marginales, on pourra bâtir un consensus social qui soit plus large et commencer à guérir la polarisation qui déchire et paralyse notre société.
[1] programme de contre-espionnage du FBI qui avait pour objectif d’enquêter sur les organisations politiques dissidentes aux États-Unis et de perturber leurs activités.
[2] Climat intellectuel et culturel qui caractérise une époque